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Morgane Perset
Chargée de mission Prospective et Dialogues urbains
aua/T
Le lien entre urbanisme et qualité de l’air intérieur
Entretien avec le Dr Suzanne DÉOUX, Medieco, ingénierie de santé dans le cadre bâti et urbain
Pourquoi est-il important que l’urbanisme s’intéresse à la qualité de l’air intérieur ?
L’urbanisme a un impact majeur sur la qualité de l’air inhalé dans les bâtiments. Nous passons en moyenne 80 % de notre temps dans des espaces clos (logement, travail, transports en commun, commerces…) dans lesquels nous respirons un cocktail de polluants issus tant de sources internes que de l’air extérieur, du sol et du sous-sol. Ce cocktail de gaz (dioxyde d’azote, radon…), de composés organiques volatils et semi-volatils, de fibres, de particules, de biocontaminants (moisissures, bactéries, virus, pollens, allergènes…) rend l’air intérieur 10 à 15 fois plus pollué que l’air extérieur !
Quelles politiques incitatives pourraient réduire l’impact de l’urbanisme sur la qualité de l’air intérieur ?
Les mobilités sont un des premiers champs de l’urbanisme sur lequel il est possible d’agir. Il s’agit bien évidemment d’augmenter la part modale des transports en commun, des modes actifs, et de promouvoir les motorisations électriques et à hydrogène. La vitesse de circulation conditionne aussi les émissions de polluants. Une étude de l’ADEME 1 a démontré que, lors d’une diminution des vitesses de 130 à 110 km/h, la baisse des teneurs en oxydes d’azote et en particules est importante. Cette baisse est plus faible lorsque la vitesse maximale autorisée passe de 90 à 70 km/h. En dessous de 70 km/h, c’est la fluidité du trafic qui participe à la qualité de l’air.
Par ailleurs, des outils de modélisation de concentration de polluants et de dispersion atmosphérique permettent de simuler l’impact d’un projet d’urbanisme sur la qualité de l’air. À Strasbourg, par exemple, les simulations faites pour l’écoquartier Danube ont démontré qu’en modifiant la forme des bâtiments dans un îlot destiné à accueillir une école, les concentrations de polluants dans la cour de récréation seraient plus faibles. Il faut aussi veiller à s’éloigner des voies de circulation (au moins 100 m pour l’exposition aux particules, 150 m pour le benzène et 200 m pour le dioxyde d’azote) et à tenir à distance les activités polluantes comme les pressings, stations-services ou parkings.
Enfin, l’intégration de la végétation horizontale et verticale dans la ville est un autre levier. En effet, le feuillage capte les particules et diminue leur concentration dans l’air. Il faut toutefois être vigilant à limiter les essences allergisantes !